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Légendes et crédits photo:
Image d'antan
Vue aérienne de Passchendaele avant l'offensive alliée de 1917, © IWM Q 42918A
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Vue aérienne de Passchendaele avant l'offensive alliée de 1917, © IWM Q 42918A
La photographie aérienne s’est considérablement développée et améliorée au cours de la Première Guerre mondiale. Utilisée alors comme outil d’observation des positions ennemies, elle nous offre aujourd’hui des témoignages saisissants des métamorphoses du paysage suite au conflit. En l’occurence, ces deux vues prises à la verticale du bourg de Passchendaele, en Flandre, à la veille et au lendemain de la bataille éponyme, montrent comment la pluie d’obus qui s’est abattue dans la région en 1917 a littéralement arasé toute élévation. La bataille de Passchendaele, appelée aussi la troisième bataille d’Ypres eut lieu entre le 31 juillet et le 5 décembre 1917. Mi-juin 1917, les habitations, l’église, les routes, les délimitations des parcelles du village sont encore parfaitement visibles. Début décembre de la même année, ces éléments ont disparu, littéralement pulvérisés par l’immense puissance du déluge de feu. La terre, déchirée par une multitude de cratères dont les bords se recoupent, a pris l’aspect d’une peau d’orange. Le seul amas de pierre qu’on y distingue encore permet de deviner l’emplacement des ruines de l’église. « (…) Aplatis. Le village, la contrée n’avaient plus de hauteur, le pilon de la guerre avait tout enfoncé dans le sol. » : cette description d’un village du Soissonnais par Roland Dorgelès dans son roman « Le Réveil des Morts », paru en 1923, permet de comprendre que ce marmitage du sol n’est pas une particularité du front de Flandre… Sur 700 km d’une ligne de front épaisse de plusieurs kilomètres, et une surface de 2 306 350 ha, l’intensité des combats a bouleversé le sol, au point parfois de le minéraliser. Selon plusieurs auteurs, notamment géographes, les volumes de terre déplacés par les combats sont évalués de 80 à 2 000 mètres cubes par hectare. Le géographe Paul Arnould estime que l’effet de ces quatre années d’affrontements peut être comparé à celui de la dernière période froide de l’ère quaternaire : la Grande Guerre a retourné autant de quantités de terre que 10 000 à 40 000 ans d’érosion naturelle ! Aujourd’hui encore, aucun conflit n’a marqué les paysages à une échelle comparable. Bien sûr, les combats de l’Antiquité ont laissé des traces, avec la construction des oppidums par exemple. Au Moyen Age, on creusait des douves autour des mottes castrales. L’apparition de la poudre à canon a marqué les paysages de nouvelles formes de reliefs. Mais 14-18 a marqué un tournant : c’était la première fois qu’on utilisait tous ces aspects techniques en même temps et à une échelle industrielle durant une guerre. Ces dévastations du sol ont eu des conséquences sur le conflit lui-même : les terres labourées par les obus, sur lesquelles aucune végétation ne retenait plus l’eau, se sont rapidement transformées en champs de boue. Ce bourbier, qui rendit la progression des belligérants difficile, compliqua la vie quotidienne des soldats sur le front, au point parfois de les faire périr. Sur les 400 000 hommes mis hors de combat au cours des quatre mois de la bataille de Passchendaele, on compte au moins 40 000 disparus. Nombre d’entre eux se sont noyés dans cette boue, qui fit office pour eux de linceul.