«(…)c’est fini, nous, les troufions
On va se mettre en grève
Si vous voulez faire la guerre<br />
Payez-la de votre peau (…) »
En 1917, au travers de ces paroles, les mutineries ont fait entrer dans l’histoire la chanson de Craonne.
Comme de nombreux villages situés sur la ligne de front du Chemin des Dames, celui de Craonne, Crane, comme disent ses habitants, a été entièrement détruit. Un nouveau village a été reconstruit à quelques centaines de mètres à peine de ses ruines.
Noël Genteur, ancien maire de Craonne, parle ici de son grand-père, jeune homme habitant dans ce village à la veille de la Grande guerre, et évoquant avec son petit-fils, soixante ans après, son retour sur le site de Craonne à la fin de la guerre, quatre ans après avoir dû le quitter :
« En arrivant sur le plateau, me disait-il, je me suis mis à chercher les maisons. En levant la tête je reconnaissais la plaine, la butte de Beau-marais, le plateau de Roucy en face de l’autre côté de la rivière. Et puis à droite, de l’autre côté des Bermonts , le village de Craonnelle encore visible bien que dans un état de ruine, et à gauche vers la pointe du petit plateau de Craonne balafré de tranchées, de trous d’obus, de barbelés et de tôles, où était passé Craonne ? Son église sur le piton, rien, plus rien. Plusieurs fois il énumérait les lieux-dits qu’il reconnaissait parfaitement malgré l’ampleur du désastre. Et Craonne, où est-il ? Monté sur le rebord d’une tranchée, identifiée bien après comme étant la tranchée du Balcon, il cherchait son village. Toujours rien. Puis, progressivement, une tache blanchâtre se dessinait à l’emplacement du village. Il n’en croyait pas ses yeux, toutes les maisons étaient pulvérisées, réduites en poussière, les pierres n’avaient plus de forme, toutes à l’état de moellons. »
Noël Genteur, « C’est à Craonne, sur le plateau…Récit », dans Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames- De l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, P. 455-456 (Arch. dép. de l’Aisne : 8° 4153).