La Butte de Vauquois est une gigantesque termitière... A partir du mois de mars 1915, lorsque les Français ont repris position face aux Allemands au sommet de la colline, la progression devient impossible en surface tant les forces en présence sont équivalentes. Alors les belligérants s'enterrent : les unités de génie des deux camps se lancent dans une surenchère d'innovations techniques, et creusent des galeries de plus en plus profondes pour poser des mines toujours plus puissantes sous les positions ennemies. Les techniques de sape utilisées par les belligérants s'apparentent à celles utilisées dans les mines de charbon. Le creusement d'une galerie commence par celui d'un puits, suivi d'un plan incliné, appelé descenderie. L'ouvrage se prolonge par une galerie de 2 mètres sur 2, dont la section diminue ensuite au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans le sol. Les terres sont évacuées avec des paniers, des brouettes et des chariots. Dans le ventre de la butte longue de 1 500 mètres et large de 50 à 250 m, quelque 17 kilomètres de puits, galerie et rameaux sont creusés, allant de 10 à 50 m de profondeur. Tandis que le sommet de la butte est perclus d'entonnoirs créés par les explosions de mines, ses flancs s'épaississent, sous l'accumulation des milliers de tonnes de gaize (roche de l'Argonne) qui sont extraites des galeries. Du côté allemand, les installations souterraines sont remarquablement organisées : les galeries sont ventilées grâce à des appareils silencieux, et dotées d'abris en béton éclairés à l'électricité, alors que du côté français, la ventilation est davantage bruyante, l'éclairage se fait souvent encore à la bougie ou à la lampe à acétylène, et les parois sont simplement étançonnées de bois. Les galeries des uns et des autres ne sont parfois séparées que d'une mince épaisseur de terre. Les sapeurs scrutent les indices sonores de creusement chez l'ennemi. Lorsque le bruit s'arrête, c'est le signe d'une explosion imminente : il faut quitter la galerie le plus rapidement possible... Toutes les ruses sont permises : les Allemands ont même développé un automate imitant les coups de pic et les pelletées, pour tromper les Français et déclencher des explosions alors que ceux-ci se pensaient protégés tant que le travail continuait. Il est arrivé toutefois que les ennemis s'accordent pour sauver des vies : ainsi, à Noël 1916, lorsque deux équipes de sapeurs, Français et Allemands, se retrouvent nez à nez, ou plutôt sape contre sape, séparés par un mètre à peine de roche, il « s'entendent » au travers la roche pour qu'aucune mine ne soit posée pendant quinze jours. Au printemps 1918, quelques mois avant la fin de la guerre, les Allemands forent à 100 mètres de profondeur avec l' intention d'y placer une mine de plus de 250 tonnes d'explosifs : ils envisagent ainsi de pulvériser la colline pour éradiquer les possibilités d' observation par les Français. Ce projet n'a heureusement pas été réalisé. En juin 1918, les Français replient le matériel à l’arrière et bouchent les galeries, tandis qu’une garnison allemande défend jusqu’au bout sa position devant l’offensive américaine.